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La France vue d’en haut (ép.4) : derrière le masque de Marine Le Pen

In La France vue d'en haut, Un pavé dans la "Meuse" on 28/04/2012 at 16:10

Dimanche, peu après 20 heures, « une nouvelle droite est née », celle de Marine Le Pen, c’est ce qu’indiquait Gilbert Collard, l’avocat sulfureux sur les plateaux de télévision. Plus tard, dans la soirée, Marine Le Pen se présentait comme la future chef de l’opposition et faisait du FN le parti du rassemblement d’un peuple en colère, celui d’une France bleue marine, un Front prêt à résister au système, à l’immigration ou à l’Europe.

Dimanche, près de 6,4 millions de Français ont mis un bulletin de vote au nom de Marine Le Pen. Avec un score historique pour ce qui est (toujours) l’extrême-droite, un score plus élevé que ce « coup de tonnerre » que fut le 21 avril 2002 et l’accession de Jean-Marie Le Pen au second tour de l’élection présidentielle.

On se souvient du choc, on se rappelle de cette émotion, de ces Français qui étaient descendus dans la rue pour lutter contre l’extrême-droite. Est-ce parce que Marine Le Pen n’est pas au second tour, mais depuis dimanche, personne n’est dans la rue pour s’inquiéter de la montée de l’extrême-droite, et même, on voit un « candidat sortant » tenter de récupérer les voix du Front, des « idées compatibles » désormais avec la République, alors qu’il y a dix ans encore, elles ne l’étaient pas…

« Le goût et l’odeur » : bienvenue au Front

Est-ce à cause de cette « dédiabolisation » dont on nous parle tant depuis des mois, des semaines au sujet de Marine Le Pen et d’un Front national « plus propre » ? Reste que jamais encore l’extrême-droite n’avait été aussi forte en France avec comme but ultime désormais, la conquête du pouvoir lors des prochaines législatives et devenir ainsi le premier parti à droite, c’est l’objectif affiché de Marine Le Pen qui souhaite d’ailleurs « tout casser » à l’assemblée nationale.

Depuis dimanche, on se demande qui sont ces 6,4 millions d’électeurs du Front national, on cherche à comprendre, à savoir. Puis, on donne des explications : conviction, adhésion ou déception, crise et colère? Enfin, on se demande si le FN est un « parti comme les autres ». Car si voter pour le FN, ce n’est pas anodin, adhérer à ce parti, ça l’est encore moins. C’est justement dans ce contexte, et pour montrer que les motivations des électeurs frontistes sont bien différentes de celles de militants, que la journaliste Claire Checcaglini a décidé d’infiltrer pendant huit mois le Front national pour en comprendre les rouages dans son livre « Bienvenue au Front – Journal d’une infiltrée » paru aux éditions Jacob-Duvernet.

A compter de mon adhésion, je vivrai donc chaque réunion du FN dans la hantise d’être démasquée […] au-delà des militants de base je souhaite rencontrer des cadres du parti, et donc gravir quelques échelons, pour approcher le plus possible le fonctionnement quotidien du FN. Les colleurs d’affiches et autres volontaires pour distribuer des tracts sur les marchés partagent-ils les mêmes préoccupations que les responsables du FN ? Poursuivent-ils le même but ? […] A quel point les militants sont-ils conscients de la nature du parti auquel ils adhèrent ?

Pour répondre à cette question, Claire Checcaglini a donc décidé d’avancer masquée « puisque le Front avance masqué ». En prenant l’identité de sa grand-mère, Gabrielle Picard, la journaliste va devenir une militante frontiste comme les autres, une militante qui a décidé de rejoindre le Front après l’accession de Marine Le Pen à la présidence du parti « parce que la nouvelle présidente du Front national est jeune, dynamique, elle représente une nouvelle génération en politique, mais surtout ne commet pas les impairs de Jean-Marie. »

Une parole « non filtrée »

Du printemps 2011 jusqu’à l’hiver 2012, la journaliste va assister aux réunions de la fédération des Hauts-de-Seine, aux assemblées, aux actions de propagande. Peu à peu, elle gagne la confiance des autres militants, puis des cadres, elle participe activement à la vie du Front national, ce qui lui permet de prendre rapidement des responsabilités au sein du parti de Marine Le Pen, et même d’organiser des réunions et des formations pour les autres militants.

Placée au cœur de la machine politique frontiste, on proposera même à la journaliste de porter les couleurs du FN aux élections législatives, tout en étant pendant ces huit mois, le témoin d’une parole « non filtrée » de la part des militants, ces gens ordinaires, ces « petites mains » comme Sylvain, Gisèle ou Thierry, ces adhérents frontistes qui vivent « le Front » cachés et à l’abri des regards.

Militer à l’extrême-droite implique tout un ensemble de non-dits, voire d’interdits […] Le discours qui est habituellement servi aux journalistes fait l’objet d’un tel formatage, qu’il m’apparaît nécessaire de lever cette barrière […] Je veux supprimer cette distance entre la journaliste que je suis et eux, non pour les blesser, mais pour savoir qui sont véritablement ces militants, pour aller au plus près de leur réalité, leur vérité, au-delà de la caricature.

Et cette réalité, cette vérité, et c’est là la force du livre, c’est ce « relent de haine », ce « racisme ordinaire » qui réside justement dans ces multiples portraits de militants qui ne sont pas « racistes et xénophobes, seulement anti-musulmans », comme cet ingénieur « prêt au combat armé et à la guerre pour la purification ethnique de la France » ou encore, les plus nombreux surtout, ces citoyens « paumés », « à la vie dure où règne beaucoup de solitude », comme Gisèle qui n’arrive pas à boucler ses fins de mois avec sa retraite de 1.000 euros. Car comme le dit un militant au cours d’une formation sur l’immigration : « autrefois, le FN rassemblait les personnes qui étaient contre les Arabes, les juifs et les pédés. Maintenant Marine ratisse beaucoup plus large, elle s’adresse à tous ceux qui aiment la France. »

La stratégie de dédiabolisation : une « façade »

Pour Claire Checcaglini, la conclusion est simple, mais terrible : la stratégie de dédiabolisation est une façade, le FN n’a pas changé et reste plus que jamais d’extrême-droite, avec ses vieux démons et sa dangerosité pour la démocratie.  A chaque réunion, chaque assemblée suivie pendant ces huit mois d’infiltration, la journaliste est à chaque le témoin de propos teintés d’islamophobie, de révisionnisme et de racisme tout simplement :

« Vous savez qu’au Front national nous ne sommes pas racistes, ce n’est pas un problème de race, mais de nation […] De toute façon, nous avons un problème de surpopulation. Ce qui est terrible, c’est qu’on ne fait rien, on se laisser envahir par des gens qui n’ont pas la même culture que nous… Plus qu’une invasion, c’est une colonisation. Ils nous imposent leur façon de vivre et on les encourage […] C’est la raison pour laquelle la guerre civile, on y va droit […] »

Depuis la sortie de ce livre, Marine Le Pen a décidé d’engager une procédure contre la journaliste, non pas pour mettre en cause les propos tenus, mais bien pour dénoncer « les méprisables méthodes » de Claire Cecchaglini. Des méthodes qui sont, selon le FN, « en violation des règles premières de la déontologie des journalistes. »

Claire Checcaglini, Bienvenue au Front -Journal d’une infiltrée, Éditions Jacob-Duvernet

A lire aussi : l’interview de Claire Checcaglini

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